Afin de ne manquer de rien, Shih avait fait l'inventaire des boissons qui lui restaient, autant dans son Cercle de Jeux que dans la Repaire. Après avoir tout noté sur une liste, Shih se dirigea vers le Jardin, afin de trouver sa monture, un superbe étalon noir, de la race des Frisons, répondant au doux nom de Darklight. Elle avait le choix : soit elle partait pour l'Île des pirates, ce qui lui prendrait beaucoup de temps, car il lui faudrait traverser la mer ; soit elle allait à Glenia, par la route, ce qui était plus rapide. C'est donc la destination qu'elle prit. Prenant soin de laisser son chien dans son Palais pour éviter les intrusions, Shih partit, la liste dans une poche.

Luna mena son petit charriot dans le jardin. Elle jeta un coup d'œil à droite et à gauche : quelle direction prendre ? La jeune femme venait livrer Ching Shih en boissons, et elle devait rentrer au plus vite à Glenia, où l'attendait sa taverne, La Murène. Elle soupira et vérifia qu'aucun de ses produits ne manquait : vin, bière, alcool fort et quelques jus de fruits. Elle gratta gentiment les oreilles de son cheval, qui, épuisé, avait mené jusqu'ici le charriot et sa propriétaire. Luna recommença à froisser sa robe, nerveuse. Elle se sentait comme une étrangère en ce lieu qui lui était inconnu, et cela la rendait mal à l'aise. Elle arrêta de tordre le tissu de sa jupe en soupirant intérieurement : si elle faisait subir ce traitement à ses robes à chaque fois que la nervosité la rattrapait, tous ses vêtements serait froissés d'ici deux jours. Finalement, ne voyant pas arriver Ching Shih, elle déchargea les boissons et laissa un petit mot accroché qui précisait qu'elle avait dû repartir en hâte car elle avait laissé sa taverne sans surveillance, et qu'elle reviendrait dès que possible chercher l'argent des marchandises. Elle signa, puis, laissant les produits sur place, elle conduisit son cheval et le charriot vers la sortie.

Après être rentrée tard de la taverne la Murène, Shih avait dû régler un soucis concernant trois de ses protégées. Des querelles sans importance, du moins du point de vue de Shih. Elle ne voulait pas que ses filles aient quelques discordes que ce soit entre elles, étant donné qu'elles travaillaient et vivaient toutes ensemble. Épuisée, Shih s'était endormie rapidement dans ses appartements. Le lendemain, impossible pour elle de se lever ! La fièvre était venue la visiter durant la nuit, et perdura pendant plusieurs jours, la clouant au lit. Fort heureusement, ses filles étaient débrouillardes, et son chien montait fidèlement la garde, assurant ainsi la sécurité du Palais des Plaisirs.

Finalement, la fièvre partie, et Shih pu de nouveau se lever. Encore légèrement fatiguée, elle prit l'air dehors, et vit des paquets. En s'approchant, elle se rappela que la tavernière, Luna, devait la livrer. Sans doute était-ce elle. Shih prit le mot épinglé aux marchandises, appela les hommes de joie qui travaillaient pour elle afin qu'ils rangent les boissons et autres, tandis qu'elle s'en allait à son bureau. Une fois à l'intérieur, elle ouvrit un tiroir de son bureau, fit coulisser un panneau secret, et en sortit la somme dû à la jeune tavernière. Elle glissa la monnaie dans une poche de tissu, et rangea le tout dans un autre tiroir, fermé à clé. Shih attendrai la visite de la jeune femme afin de la régler.

Luna avait pénétré à nouveau dans le Palais des Plaisirs, amenant les boissons à Ching Shih, comme elle devait le faire chaque semaine. Elle regarda autour d'elle, se rendant compte que la gérante du Palais n'était pas là. La tavernière mis ses mains sur ses hanches, puis, résignée, commença à décharger les produits de son chariot. Mais cette fois, elle ne repartirais pas aussitôt : elle était également venue chercher l'argent des boissons de la dernière semaine. Elle souleva à grand-peine une lourde caisse remplie de bouteilles, puis s'essuya le front avant de se rendre compte qu'il lui restait encore deux caisses semblables à descendre du chariot. Elle déchargea ses marchandises, puis, épuisée par cet effort, s'appuya sur le bord du chariot pour souffler un peu en attendant Ching Shih. Luna vérifia une dernière fois qu'elle n'avait rien oublié des boissons commandées par la gérante du Palais, puis se rassit en soupirant contre son chariot, décidée à attendre autant de temps qu'il le faudrait son retour, motivée par l'idée de l'argent qui l'attendait.

Shih se réveilla soudain, suite à un cauchemar. Ces derniers temps, elle en faisait souvent, dû à la forte fièvre qui s'était emparée d'elle depuis quelques semaines. Shih avait même était obligée de rester couchée, incapable de tenir sur ses jambes, tellement elles tremblaient. Fort heureusement, ses filles s'occupèrent d'elle, la soignant et veillant à ce que la fièvre ne monte pas trop. Son fidèle chien montait la garde à son chevet le jour, puis prenait le relais des différents serviteurs la nuit.

Se sentant mieux, Shih se leva, s'habilla après être passée à la salle de bain, descendit aux cuisines et mangea rapidement un morceau de pain et un fruit, tout en se désaltérant. Soudain, elle entendit son chien aboyer au dehors. Un intrus devait être là. En allant à son bureau, Shih regarda quel jour on était, puis se rappela que la jeune tavernière devait être passée. Et si son compagnon aboyait, c'est qu'elle devait sans doute être encore là. Aussi Shih prit-elle dans son tiroir la somme qu'elle lui devait la dernière fois, puis y ajouta celle de maintenant. Elle glissa le tout dans une poche de sa robe, puis descendit aux Jardins.


[Navrée de l'attente, mais je rentre seulement de vacances. Je prétexte donc une forte fièvre pour palier à mon absence]

Luna entra dans le Palais. Elle commençait à bien connaître cette partie-là du bâtiment à force d'y entrer. Elle dirigea le cheval en le tirant par la bride, puis l'arrêta. Elle vérifia la marchandise qu'elle apportait, puis rassura son cheval excité par l'approche d'un chien, sûrement celui de la maison. Ne voyant pas la propriétaire arriver, la tavernière déchargea les produits - activité qui l'épuisa en un rien de temps - puis écrivit son deuxième mot de la journée. Elle le laissa sur l'un des caisses de bouteilles, bien en vue pour que Ching Shih ne puisse l'ignorer.

Encore une fois, je dois laisser votre commande ici sans vous attendre. Je ne sais pas quand je pourrai venir, aussi il serai plus simple que vous acceptiez de venir directement à la taverne pour me donner l'argent que vous me devez.

Luna

Elle regarda son message, et vérifia qu'elle n'avait fait aucune faute. Elle dirigea finalement cheval et chariot vers l'extérieur, espérant que la propriétaire pourrait venir la voir.

Dû aux effets secondaires indésirables de sa forte fièvre, Shih ne pouvait pas encore se déplacer rapidement. Lorsqu'elle arriva dans les Jardins, elle trouva la marchandise de la tavernière. Elle l'avait loupé de peu ! Avisant le morceau de papier, elle le saisit puis le lu rapidement.

Encore une fois, je dois laisser votre commande ici sans vous attendre. Je ne sais pas quand je pourrai venir, aussi il serai plus simple que vous acceptiez de venir directement à la taverne pour me donner l'argent que vous me devez.

Luna

- Et bien, soit !

Shih remonta dans son bureau, et demanda à un des valets de seller son cheval. Elle prit la somme a ajouter, puis redescendit. Le valet lui tendit la bride de sa monture, qu'elle enfourcha, puis sortit en direction de la Capitale, afin de régler la somme dû à Luna.