Erik ne releva la tête que lorsqu’il fût le temps pour Mademoiselle Delhis de quitter l’église. Cette rencontre avait été pour lui une curiosité parmi tant d’autres. La jeune dame était belle, polie, fragile mais aussi étonnement digne et sûre de ce fait ou dit en public. Pourtant le jeune moine, novice certes, n’était pas parvenu à ce qu’elle se confie à lui, quand bien même pouvait-elle souffrir de tout son être. Cette situation, qu’il acceptait avec énormément de difficultés, lui avait déchiré le cœur. Cependant il ne désespérait pas à l’idée qu’il obtienne d’elle des confidences. Il rêvait du jour où il la verrait sourire à pleines dents, lui confiant dans ce même temps que parler lui avait fait bien plus de bien que n’importe quel autre cadeau que lui auraient offert deux ou trois messieurs de la toute puissante noblesse. Un léger sourire nimba ses lèvres.

- Ne vous inquiétez pas, je lui remettrai moi-même ce document. Vous savez, on ne choisit pas toujours d'où l'on vient ni le chemin qu'on va suivre, et les personnes qu'on y croise. Je me suis accommodée à cette situation, et je vous remercie pour ce bon moment.

Mais il disparut dès que le jeune novice remarqua le regard insistant de Vanina. Il recula d’un pas, sans même s’en rendre compte. Ses sourcils s’étaient relevés et l’inquiétude se lisait dans son regard. Il avait le sentiment qu’elle lisait en lui, qu’elle le sondait et le comprenait. Pourtant elle ne tint aucun propos qui pourrait le laisser croire et Erik soupira en silence, apeuré à l’idée qu’elle puisse lui reprocher son attitude avec elle. Pour ne pas passer pour une personne impolie et laisser à cette femme le sentiment qu’il était là pour elle en cas de besoin, il reprit la parole. Etrangement, il était curieux de savoir ce que pensait Angelo de cette soudaine prise de parole, alors que la veille il ne semblait pas prêt à parler à qui que ce soit. Mais le prêtre était aussi impénétrable que la pierre de l’église.

- N’hésitez pas… à écrire… à l’église de Glénia. Assecia…Assecia est si éloignée qu’une autre visite de votre part ne sera sûrement pas pour les mois à venir… Mademoiselle Delhis…

Il toussa. Ses joues étaient étrangement rouges et il avait l’impression d’être en plein été, tant il avait chaud.

- Bon retour…

Il se triturait les doigts et mordait ses lèvres. Une fois ses formules de politesse terminée, il alla se cacher juste derrière Angelo, attrapant les vêtements de l’homme dans un geste qu’il ne contrôlait pas. La porte se ferma et il devina que la jeune femme était partie et cette fois pour de bon. Toujours derrière son protecteur, Erik marmonna d’une voix faible ces quelques mots :

- Pourquoi les gens…pourquoi les gens gardent ce qu’ils ont sur le cœur pour eux ? Pourquoi ils ne partagent jamais ?