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La fièvre ne tombe qu'au chaud sous une couette [PV]

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Erik Jorgan

Erik Jorgan

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MessageSujet: La fièvre ne tombe qu'au chaud sous une couette [PV] La fièvre ne tombe qu'au chaud sous une couette [PV] Icon_minitimeMar 15 Mar - 18:30

Erik se tenait droit sur son cheval, marchant au pas sur le chemin boueux qui menait jusqu’au monastère l’Ulirac, unique lieu où il pouvait trouver le repos sans avoir à se morfondre dans son passé. Certes il y pensait, mais aucune dépression ne venait assaillir son cœur comme se fut le cas à son arrivée. Tombé dans le coma pendant près de deux ans, il n’avait été alors qu’un vulgaire un fantôme qu’il était bien facile d’oublier.

Malgré la pluie battante, le vent qui menaçait toute vie par une simple rafale, ainsi que le tonnerre, il faisait relativement doux. Erik regardait la surface des flaques qui se ridaient au contact des gouttes de pluie, puis finalement réajusta sa cape trempée pour s’éviter d’être plus mouillé encore, notamment à la tête. Il frissonnait malgré les douces températures, souffrant peut-être d’une fièvre qui s’était réveillé lorsqu’il avait fourni un effort trop grand pour sa faible constitution. Pendant tout le chemin, Erik observa également les gestes du Frère Pierre, son seul et unique professeur au sein du monastère. Bien incapables de comprendre les gestes du jeune garçon, les autres avaient bien vite renoncé à lui enseigner la lecture et l’écriture. Souvent ce dernier s’était excusé d’un signe de la tête, prenant sur lui toute la responsabilité de son incapacité à parler, et donc à s’intégrer comme les autres dans la complexe société des moines. Cependant, il avait l’espoir que la déception des moines à son égard ne se reproduise jamais, surtout en sa présence. Trop préoccupé par ce que pouvaient penser ses compagnons, le jeune homme se torturait sans même s’en rendre compte. Il tentait cependant de se persuader que ce n’était pas sa faute, et que c’était un choix de Dieu. Peut-être était-ce une forme d’épreuve, ou encore de punition.

Quand ils furent tous les deux devant le monastère, ils furent accueillis à bras ouverts. Le portier, inquiet pour les deux moines, avait réclamé l’aide de plusieurs autres moines pour savoir s’ils n’étaient pas rentrés entre temps. Alors que les recherches n’étaient pas terminées, les deux personnes concernées rentraient enfin de leur dangereuse promenade, et trempés qui plus est. Le portier se mit en colère. Il était probablement sur les nerfs depuis plus d’une heure. Erik préféra en sourire, puis posa une main apaisant sur l’épaule de l’homme, lui assurant leur bonne santé à tous les deux, malgré sa petite fièvre. L’homme se calma et poussa un faible soupir. Avec délicatesse il caressa les cheveux de l’enfant puis invita les deux hommes à rejoindre l’intérieur du monastère pour se changer et se réchauffer. Ils mangèrent à la table avec les autres, séchèrent leurs cheveux, changèrent de tenue puis retrouvèrent leur lit pour un repos bien mérité. Mais Erik n’avait guère le courage de fermer les yeux aujourd’hui, notamment à cause des derniers songes qui l’avaient fortement perturbé, la nuit dernière. Afin de se calmer, il se dirigea vers la bibliothèque.

Lorsqu’il vit les simples chaises de bois qui servaient aux moines pour qu’ils y fassent leurs lectures dans un confort peu enviable, le jeune garçon se souvint alors du vieux fauteuil de son père, installé devant le bureau. C’était un siège d’un confort plutôt surprenant, couvert d’un cuir brun chaud et souple, ainsi que de deux accoudoirs plutôt grands pour un petit enfant à peine âgé de trois ans, si ce n’est plus. Il se souvint également qu’il avait la possibilité de se balancer, comme sur un simple cheval de bois. Ses souvenirs le firent sourire quelques instants, puis lorsqu’il revint à la réalité, ses yeux pétillants de bonheur redevinrent froids et démunies de tout sentiment. Il se dit alors que tout cela, c’était fini depuis bien longtemps, et que jamais il ne pourra se poser sur le fauteuil qu’il aimait tant par le passé. Son père, sans rancune aucune et surtout en croyant bien faire, l’avait destiné à prêcher la parole de Dieu dans un monastère bien éloigné de la capitale, et donc de William.

Installé sur l’une de ces chaises, Erik était tout à sa lecture. En vérité, il tentait de finir le bouquin qu’il n’avait pas achevé en début de matinée. Il avait auparavant renoncé à cause de ses nombreuses lacunes en lecture. Aujourd'hui, il était temps pour lui de se surpasser. Brulant de fièvre, il s'acharna à déchiffrer chaque mot.
Le silence de la pièce le charma, les écritures elles, le captivèrent.
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Père Arnaud

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MessageSujet: Re: La fièvre ne tombe qu'au chaud sous une couette [PV] La fièvre ne tombe qu'au chaud sous une couette [PV] Icon_minitimeJeu 17 Mar - 9:40

Il était tard, les prières de Complies étaient déjà finies depuis plusieurs heures, mais l'abbé estimait que son travail de la journée n'était pas encore fini. Il s'était assuré que le réfectoire ainsi que la cuisine, gérés par un moine réfectorier on ne peut plus désordonné. Il avait eu raison de faire son inspection. Les légumes utilisés pour le souper n'étaient pas des plus frais. Cela était étrange du fait que les moines étaient nombreux et que le potager fournissait peu de nourriture comparé aux besoins.Il était vrai que les moines n'avaient pas utilité de manger à leur faim tous les jours mais quand bien même, Père Arnaud souhaitait qu'ils restent tous un minimum en bonne santé.

Après s'être assuré qu'aucun des moines n'étaient intoxiqués et après avoir passé un savon au refectorier - un peu trop gras et bidonnant à son goût de surcroît - , il décida d'étudier les dernières oeuvres des enlumineurs. Il pénétra dans le scriptorium et ne remarqua pas tout de suite l'adolescent. Il ouvrait les ouvrages un à un et fut émerveillé - comme à chaque fois - devant les merveilles qu'avaient accompli ses frères. Il fut bien surpris en tombant sur le jeune homme. Il allait repartir et le laisser à ses études lorsqu'il se rendit compte que celui-ci transpirait de fièvre. Il posa sans douceur sa main sur le front brûlant avant de le gronder.

- Et bien jeune homme, tu veux mourir ou quoi ? Regarde-toi tu es brûlant de fièvre. Déguerpis d'ici et files dans ta cellule, au chaud sous ta couverture, avant que je ne me fâche ! Et je viendrai m'assurer que tu y es bien resté alors n'essaie pas de me duper.

Il posa son regard le plus sévère sur l'insouciant apprenti. Il avait encore en lui ce côté stricte et protecteur qu'il avait acquis au fil des ans par son éducation militaire mais aussi grâce aux différentes campagnes qu'il avait mené pour son pays. Diriger des milliers de soldats était certes plus difficile que de gérer des moines. Mais il ne perdait rien de sa pratique et conserverait toujours en lui ses quelques bribes de son passé.
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Erik Jorgan

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MessageSujet: La fièvre ne se tombe qu'au chaud sous une couette...[PV] La fièvre ne tombe qu'au chaud sous une couette [PV] Icon_minitimeJeu 17 Mar - 12:27

Erik appréciait sa lecture comme un homme apprécie les femmes, ou un enfant les sucreries que peuvent lui donner ses parents. Il était si concentré qu’il n’entendait pas le va-et-vient de quelques moines dans la bibliothèque, se sentant donc agréablement seul. Personne n’osa le gêner dans sa lecture, préférant de loin le voir progresser dans un domaine où il est en retard, plutôt que de le regarder traîner dans les couloirs à des heures bien trop tardives pour un enfant de son âge. Il arrivait enfin à la fin de son livre, en appréciant de plus en plus l’histoire et tout ce qu’il allait retenir sur la construction de l’imposant monument. Le Monastère était donc de ces bâtiments construit à partir d’une pierre qui ne se trouve qu’à des lieux plus loin ?! Erik sentit un sourire déchirer ses lèvres. Ses yeux se plissèrent de bonheur. Il reprit son sérieux quelques instants plus tard afin de finir cette lecture qui allait l’obliger à passer la nuit dans la bibliothèque. Fou ou inconscient, il en avait complètement oublié son état. Il transpirait si fort que la sueur coulait le long de ses tempes, le chatouillant par moment. Fiévreux, il avait par moment des vertiges, et ne sentait plus ses doigts tenir l’imposant bouquin.

Ce fut l’approche d’un homme de sa connaissance qui le sortit de ses rêveries. Il reconnut là l’Abbé du Monastère, à qui il n’avait que très peu adressé la parole. En vérité, il ne lui avait jamais parlé, car son mutisme le lui avait empêché. Il le rencontrait souvent dans les couloirs, se contentant de le saluer d’un signe de la tête. Il le croisait également pendant les prières, messes, préparation aux sorties, ou dans le petit potager. Mais il s’était toujours fait discret, se faisant souvent oublier des autres. On ne le connaissait que pour son arrivée mouvementée, son mutisme, et ses fièvres fréquentes qui l’empêchaient de participer à toutes les prières de la journée. Alors l’Abbé était bien loin d’être le grand compagnon d’Erik. Le jeune garçon ne savait strictement rien de lui, si ce n’est le fait qu’il imposait facilement le respect, et inspirait l’admiration. Le frère Pierre avait si souvent fait éloge de cet homme. Pourtant, aux yeux du jeune moine, il n’était qu’un mystère qu’il était difficile de comprendre. Bien vite, Erik replongea dans son livre. L’Abbé ne semblait rien avoir à lui dire.

Il fut cependant surpris lorsqu’il sentit une main se poser sur son front. En plus de ne pas y être allé en douceur, l’abbé s’était montré tellement discret en s’approchant qu’Erik avait dû retenir un cri de surprise –qui ne sortit pas, en cause son mutisme. Il tremblait de tout son corps, se remettant lentement de ses émotions. Bizarrement, il avait un mauvais pressentiment. Lorsque l’Abbé haussa le ton malgré ce lieu qui imposait le silence, Erik se raidit. Il avait intérêt à se tenir correctement, visiblement. Il était particulièrement impressionné par la prestance de cet homme.

- Et bien jeune homme, tu veux mourir ou quoi ? Regarde-toi tu es brûlant de fièvre. Déguerpis d'ici et file dans ta cellule, au chaud sous ta couverture, avant que je ne me fâche ! Et je viendrai m'assurer que tu y es bien resté alors n'essaie pas de me duper.

Erik se leva brusquement. Il avait envie de protester, de faire comprendre à l’Abbé qu’il en avait plus qu’assez de devoir passer ses journées au lit, à cause d’une maladie qu’il n’avait pas souhaité. Un faible son lui échappa. Un sifflement. Il se braqua alors sur lui-même. Il avait oublié qu’il était muet, et qu’il valait mieux qu’il le reste, autant pour faire honte à son père, que pour lui faire oublier que par le passé, il avait la voix d’un ange. Son père avait tant rêvé de le voir dans la chorale du monastère. Et bien désormais, son rêve n’était qu’une illusion qui ne deviendra jamais réalité, car Erik veillera à ne jamais recouvrer sa voix d’antan.

Le jeune homme porta sa main à son front, remplaçant presque celle de l’Abbé. Pour la première fois, on ne le prenait pas en pitié, et il sentit tout bizarre. Ses joues rougirent bien plus qu’elles ne l’étaient déjà. Avait-il honte ? Se sentait-il humilié ? Ou encore appréciait-il finalement d’être traité comme les autres malgré ses handicaps ? Toujours silencieux, il ferma son livre et le replaça à sa place, se précipitant par la suite à l’extérieur de la bibliothèque. Le Père Arnaud avait eu l’air si sérieux, lorsqu’il avait dit qu’il s’assurerait de sa présence dans sa cellule. Discipliné, il ne fit pas de détour et rejoignit directement sa chambre.
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