Une semaine et demi après sa rencontre avec les deux enfants royaux, le jeune homme s'était accordé une séance de chasse. Une heure que Morwan était à l'affut dans un fourré. Il avait devant les yeux une harde de cerfs, une demi douzaine de biches, des faons de quelques semaines, trois jeunes cerfs et le mâle assurant la sécurité du harem. Une incroyable ramure s'épanouissait sur sa tête, ces bois étaient le principal danger que guettait le jeune Naakti. Un cerfs fuyait quand il entendait un bruit suspect, mais quand il avait un harem à protéger, tout bruit suspect pouvait s'apparenter à un prétendant potentiel et le cerf devenait dangereux. Une flèche à tête d'obsidienne encochée, Morwan savait que s'il était chargé par le massif cervidé, il n'aurait de salut que dans la fuite jusqu'à son bâton, grâce auquel il pourrait tenir l'animal à distance si tant est que celui si soit agressif au point de le poursuivre. Une flèche ne ferait guère qu'énerver d'avantage l'animal.

Le jeune guerrier cherchait ça cible parmi les individus de la harde, une biche sans faon ou un individu blessé aurait été l'idéal, il n'aurait en fait qu'aidé les membres de la communauté. Mais aucun des animaux présents au sein de la harde ne correspondait aux attentes du jeune guerrier. Sa flèche toujours encochée, il recula prudemment hors du fourré. Il vit de nombreuses têtes de cervidés se tourner dans sa direction en remuant les oreilles, mais aucun mouvement de la part du principal danger potentiel, le grand mâle.

Morwan remis sa flèche dans son carquois et s'éloigna de la harde. Il récupéra son bâton et se remis en marche à la recherche d'un autre point de chasse. Alors qu'il passait non loin d'un petit amas rocheux, il entendit derrière lui un ronronnement qu'il ne connaissait que trop : celui d'un félin près à attaquer, derrière lui, légèrement en hauteur. Morwan ferma les yeux un bref instant. Il n'avait pas fait assez attention, et il allait devoir défendre chèrement sa vie.

Il se retourna brusquement, conscient que ce mouvement déclencherais l'attaque du fauve, son bâton porté en avant. L'animal tomba brutalement sur l'arme et l'emporta dans sa chute. Morwan roula au sol et se releva, sa dague en main, pour constater que son adversaire était une panthère noire. L'animal s'était rapidement redressé et bondi vers le jeune homme. Il n'eut pas le temps d'éviter l'attaque et senti une vive douleur aux endroits où les griffes du fauve percèrent sa peau. Le jeune homme se défendit et perça les flancs de l'animal de plusieurs coups de couteaux. Un feulement terrible accompagna cette attaque, et le fauve s'éloigna du guerrier Naakti. Combat rapide, sanglant et épuisant. Morwan n'avait rien pour se soigner, il lui fallait donc rentrer à la ville pour y trouver de quoi panser ses plaies. Mais le sort du fauve le préoccupait.

Après avoir récupéré son bâton et défait le haut de sa toge, pour éviter que des bout de tissu ne se prennent dans la plaie, il entrepris de suivre la piste sanglante laissée par la panthère. D'abord de petites flaques, le jeune guerrier arriva soudain à une flaque d'importance. l'animal était tombé ou avait bandé ses muscles. La piste continuait vers l'amas rocheux, le guerrier Naakti, son bâton serré dans ses mains, se dirigeait prudemment dans la direction indiquée par l'épanchement d'hémoglobine. La piste s'arrêtait devant une petite grotte de laquelle émergeait une queue noire agitée de soubresauts.

Morwan tira sur la queue et en ramena le corps exsangue de la panthère. Les yeux du fauve étaient fermés, la langue pendait hors d'une gueule entrouverte et le sang suintait plus qu'il ne coulait des plaies causées par sa dague en silex. Alors qu'il retournait le cadavre du fauve pour l'égorger et récupérer sa peau, il constata que l'animal était une femelle et qu'elle avait les mamelles gonflées. Elle avait donc un ou plusieurs petits. Le guerrier Naakti écorcha la panthère avant de se glisser dans la petite grotte. Le contact du sol sur ses plaies le brûla, il réprima un grognement et poursuivi son avance jusqu'à ce que sa main rencontre une petite boule de poils. Une seule. Le guerrier s'en empara et revint en arrière. Le chaton miaulait tout ce qu'il pouvait et Morwan ne lui en tenait pas vraiment rigueur, une odeur qu'il ne connaissait pas venait de s'emparer de lui et le tirait dans un monde plutôt froid et lumineux que ses yeux, à peine entrouverts, n'arrivaient pas encore à voir. Le Naakti étendit le bébé dans la fourrure de sa défunte mère et attacha ladite fourrure et son contenu contre lui de telle sorte qu'il pouvait toujours voir le petit animal dans la besace improvisée. Il regretta son geste car entre ses mains, le petit avait moins de chance de survivre qu'avec sa mère, mais il ne voulait pas sacrifier le petit être.

Ainsi chargé Morwan revint vers la ville qu'il avait fuit quelques heures avant. Ses pas le menèrent vers le parc d'entrainement. Il resta un bref instant auprès de l'arbre qui avait été le témoin de son altercation avec les royaux rejetons. Le vent soufflait sur ses plaies. Il frissonna. Il lui fallait des soins rapidement et également de quoi nourrir le bébé panthère...

Revenant de la forêt, Helin décida de faire un détour en passant par le parc d'entrainement, elle n'était pas moqueuse mais aimait regarder les guerriers et apprentis se mesurer les uns aux autres, dans un sens elle aurait aimé que les dieux la fassent homme pour faire la découverte de se sentir brave et fort...
Elle aperçut un jeune homme près d'un arbre centenaire, comme la plupart des arbres qui entouraient les lieux, il paraissait fort occupé alors elle ne s'avança pas plus vers lui. Mis à part cette présence, rien ne se trouvait à l'horizon, peut être était-il trop tôt pour les guerriers et leur entrainement...
Elle s'appuya un moment contre une poutre qui délimitait l'emplacement réservé pour les combats. Elle fixait les instruments et les équipements qui servaient aux échauffements quand elle vit deux hommes qui s'engageaient dans le parc, lance en main. Elle savait qu'elle ne devait pas trop tarder puisque la reine allait se rendre au temple et qu'elle devrait la retrouver pour l'apprentissage quotidien... De plus elle devait passer chez elle avant afin de préparer sa chasse, un lièvre attrapé dans son piège de bon matin et nettoyer les champignons de la cueillette matinale...
Les guerriers commençaient avec un salue rituel marquant le respect mutuel. Les lances se levèrent et l'entrainement commença sous le regard attentif de la jeune fille... Le plus discrètement possible elle observait le jeune homme toujours au même endroit et qui semblait en mauvaise posture mais elle n'osait s'approcher ne sachant qui pouvait être cette personne...
regardait plus attentivement le guerrier Helin se rendit compte qu'il était blessé, elle prit donc son courage à deux mains et commença à avancer vers lui. Certes elle était Naakti mais elle rencontrait des difficultés à aller vers les personnes qui lui étaient inconnues et ce jeune homme en faisait partie.
Une fois à sa hauteur, elle posa le regard au sol et découvrit le corps d'une panthère morte et une petite boule qui l'intriguait. Un miaulement lui fit ouvrir les yeux d'éblouissement, un bébé panthère se tenait couché sur le pelage de sa défunte mère. Le jeune guerrier avait des entailles de part et d'autre sur le corps, il avait dû se battre avec l'animal et était sorti vainqueur du combat...
Elle respira profondément et s'adressa à l'inconnu

- Bonjour, je ne veux pas paraître effrontée mais je me demandais si je pouvais vous être d'une quelconque nécessité... Je m'appelle Helin...

Elle observait le jeune homme se demandant si elle avait eu raison de l'aborder, mais il n'était plus possible de faire marche arrière et de simples questions ne l'empêcherait pas de continuer sa route par la suite... Elle tend légèrement la main vers l'épaule de l'inconnu

- Avez-vous quelque plante pour soigner vos plaies ? En regardant d'un peu plus près je dois reconnaitre qu'elles ne sont pas très belles...

Le seul avantage du vent qui soufflait sur lui était qu'il atténuait la brûlure de ses plaies. Morwan sentait aussi le sang couler le long de son torse, les griffes du fauve avaient pénétrer assez profondément dans sa chair. Dents et poing serrés, le jeune guerrier luttait contre les assauts de la douleur. L'adrénaline, maintenant redescendue, n'inhibait plus une bonne partie des capteurs sensoriels propres à la douleur, certes Morwan ne savait rien de ces mécanismes, mais il constatait que l'excitation du combats maintenant retombée, il souffrait plus que lors de l'attaque de la panthère. Les poils du défunt félin pénétraient maintenant douloureusement dans sa chair à vif. Il posa donc au sol la peau noire contenant son petit chaton. Le guerrier était partagé entre un sentiment de joie et un sentiment de vive inquiétude. Joie car son deuxième combat contre une panthère s'était soldé par sa victoire, et il avait récupéré un chaton panthère, lui qui avait toujours rêvé d'en posséder une. Inquiétude car il ne savait pas s'il pourrait sauver le chaton. Il se doutait que le lait d'un félin était très différent de celui d'une vache ou d'une chèvre, mais il n'avait pas les moyens de trouver du lait de panthère, ces fauves se laissant pas traire.

Morwan regardait le chaton miauler sur la peau de sa mère. Il devait avoir faim et froid. le problème du froid fut réglé en roulant en boule la peau noire autour du chaton, qui ne s'arrêta pas pour autant de miauler. Un lait très riche devrait être "cuisiné" pour pouvoir subvenir aux besoins nutritionnels du bébé. Le guerrier avait de la graisse récupérée sur ses prises, il attendait d'en avoir un certain nombre avant de les faire fondre et d'en tirer une huile qui, enduite sur un tissu et enroulé autour d'un bâton, servait à confectionner des torches, imbibée dans la paille permettait de lancer un feu. Diluée dans du lait avec quelques morceaux de viande, peut être permettrait-elle au jeune homme de nourrir son petit protégé.

- Bonjour, je ne veux pas paraître effrontée mais je me demandais si je pouvais vous être d'une quelconque nécessité... Je m'appelle Helin...

Morwan tourna rapidement la tête en direction de la voix qui avait prononcé cette phrase. Il découvrit une jeune femme qu'il n'avait pas entendu arriver. Intérieurement il se souvint de ce qu'il avait pensé du jeune prince, trop confiant et pas assez attentif. Pas attentif, Morwan l'avait été deux fois aujourd'hui. Une fois en forêt, et cette inattention lui avait valu ses blessures, et une autre à l'instant même. Que lui arrivait-il depuis sa rencontre avec les enfants royaux ? Il avait déjà par deux fois failli se tuer lors d'un de ses entraînements, à un endroit qu'il connaissait pourtant très bien, avait manqué deux antilopes et, beaucoup plus rare, un daim lors de ses chasses. Et maintenant, son esprit et ses sens, pourtant toujours en éveil, l'avaient par deux fois trahis, et une de ces fois avait, elle aussi, failli lui coûter la vie.
La demoiselle n'avait à première vue pas l'air hostile, elle avait les habits des prêtresses, de longs cheveux châtains et un corps harmonieusement proportionné. Elle était beaucoup plus petite que lui, comme un grand nombre de Naaktis, et semblait assez effarées par le spectacle offert par le jeune homme blessé et couvert de sang, la peau de panthère et le chaton posé dessus, miaulant à fendre l'âme.
Morwan ne répondit pas, il n'en eu d'ailleurs pas besoin, la demoiselle repris, en désignant les plaies qui couvraient la poitrine du jeune homme :

- Avez-vous quelque plante pour soigner vos plaies ? En regardant d'un peu plus près je dois reconnaitre qu'elles ne sont pas très belles...
- Je n'en ai point. J'aurais pu en trouver en forêt, mais je n'avais pas de bandages. Et cet orphelin aussi nécessitait des soins qu'on ne peut trouver qu'en ville.

Il soulignait par cette dernière information sa volonté de s'occuper du bébé panthère, et aussi le fait que le lait ne se trouve pas si facilement en forêt.

- Et puis les blessures occasionnées par les fauves sont rarement belles... dit-il dans un murmure, se souvenant de la description qu'on lui avait donné de sa blessure dans le dos quand il était jeune.

Helin avait prit sur sa timidité pour aborder le jeune homme, elle n'était pas trop pour aller à la rencontre des autres mais son rôle de prêtresse engendrait des changements nécessiteux sur son caractère. Les blessures du guerrier avait grand besoin de soins premiers, elle lui indique un endroit, au pied de l'arbre, de la main droite. Elle ne savait quel comportement aurait le jeune homme mais elle ne pouvait le laisser partir sans regarder de plus près les problèmes occasionné par l'attaque du félin quelques instants plus tôt.

- Installez-vous sur l'herbe, à l'abri du vent, afin d'éviter que des poussières ne se collent sur les plaies...

Sans lui laisser le temps de répliquer ou quelque autre réaction possible, elle sort de son sac un amas de feuilles formant une poche dans laquelle se trouvait une pommade servant de cataplasme. L'apparence de la préparation ne donnait pas envie de la voir étalée sur son propre corps mais ses effets étaient prodigieux. La couleur verdâtre et compacte n'était rien face à l'odeur marécageuse qui s'évaporait de la poche de feuilles.
Elle jeta un oeil sur l'inconnu et sourit amusée de l'expression sur son visage. Elle s'agenouille devant le garçon qui semblait guère plus âgé qu'elle. Il avait un physique différent des autres Naakti, de taille grande, fin et bien bâti au niveau musculature, il avait cependant un comportement enfantin dans son attitude liée à la surprise de ce que la prêtresse tenait en main. Sans prêter plus attention à l'étonnement du blessé, Helin saisit une pleine poignée de la pommade avec la main gauche, et pose la poche sur le sol à côté du genou du jeune Naakti. Elle plonge à nouveau sa main droite dans son sac et en sort des feuilles de grande taille qu'elle place sur ses cuisses, afin de ne pas les poser sur le sol même, puis y dépose la préparation en la répartissant suivant les emplacements qu'elle allait leur attribuer...

- Ne vous inquiétez pas, cette méthode m'a été enseigné de notre reine en personne, elle lui sourit d'un air taquin. Cette réaction était amenée de manière à cacher son embêtement à prodiguer un peu de soins en cet endroit peu approprié, mais elle n'avait pas le choix il fallait éviter que les plaies ne saignent d'avantage. Une fois qu'elle aurait terminé son acte, le guerrier pourrait aller consulter une autre prêtresse si cela lui chantait, mais Helin aurait fait ce qu'elle devait avant tout...

Elle prend une par une les feuilles et les places sur les plus grosses blessures, évaluant que les autres n'avaient pas nécessairement de grands soins... Oubliant l'endroit où elle se trouvait pour ne laisser place qu'aux soins, elle manipula les feuilles avec une grande délicatesse et une précision importante pour faciliter les morceaux de lianes de caoutchouc pour maintenir le tout en bonne position...
A chaque feuille positionnée, elle sortait de son sac une fine liane de cet arbre surprenant, pour entourer le cataplasme et le maintenir en place solidement mais sans étouffer la partie touchée.

Il avait fallu une bonne heure à la jeune fille pour protéger toutes les plaies les plus profondes, elle recula d'un petit mouvement de dos pour regarder le résultat de son travail, qui non mécontente d'elle sourit légèrement au jeune combattant...

- Voilà, maintenant il s'agit de vous donner de la préparation pour en mettre sur les blessures avant la nuit, et demain matin la guérison ne sera pas extraordinaire mais une fine croûte fera son apparition sans infection, ce qui est le plus important...

Sortant une feuille de son sac elle y place une quantité suffisante de pommade et l'attache avec un morceau de liane, le tend au jeune homme. Elle range tout ce qu'elle a sorti, remet en place dans sa sacoche et se relève. Son regard se pose sur le bébé panthère qui ne cessait de miauler. Elle indique le village du doigt et une direction principalement.

- Suivez ce chemin, il vous conduira à une maison où le propriétaire à une chèvre, il aura surement un peu de lait à vous donner pour le pauvre petit chaton...

Elle se tourne et pivotant la tête sur le côté dans la direction du jeune homme, lui lance gentiment d'un ton légèrement taquin...

- Evitez les rencontres avec les fauves la prochaine fois...

Dans un élan, elle prend la direction du village, plus précisément de sa maison en laissant le Naakti en compagnie de sa proie et des miaulements incessant du bébé panthère...