Au bout de trois heures de marche sous un soleil de plomb, deux haltes pour reprendre son souffle - mais qui ne servirent à rien tant il faisait chaud - , une chute face contre terre après avoir percuté un vulgaire cailloux et quatre planques trouvées in-extrémis afin de se cacher des passants - dont l'une se retrouva être un nid de ronces -, elle avait enfin trouvé un moyen de voyager plus rapidement vers la ville : elle s'était faufilée dans une charrette qui transportait des fromages et de la charcuterie jusqu'à Glenia. Elle y était resté deux jours et en avait profité pour se remplir l'estomac.

En arrivant en ville, elle était vite descendue de là et avait filé se cacher derrière un tonneau. Elle pensait que le plus dur avait été fait mais ses tourments ne faisaient en fait que commencer.

Elle était rentrée dans une taverne en espérant trouver quelqu'un qui la reconnaîtrait et la ramènerait au palais. Lorsqu'elle avait annoncé être la fille du gouverneur, tout le monde s'était tu, l'avait regardé des pieds à la tête et s'était esclaffer sans retenue.

- Si toi t'es la fille du gouverneur, j'veux bien embrasser le cul d'un cochon, avait dit l'un d'eux.
- T'es qu'une souillon qu'essaye d'nous avoir pour nous voler not' magot. Va plutôt faire le tapin sur les quais ! T'y auras plus de chance d'voler un aveugle ! Avait même rajouté un autre.

Elle était sortie furieuse de ce repaire à poivrot. Elle ? Faire le tapin ? Qu'ils l'embrassent leur foutu cochon ! Elle avait essayé plusieurs établissement, sans plus de succès. Même les soldats l'avaient envoyé sur les roses ! Maintenant, elle était là, seule, dans les rues de Glénia. Elle enregistrait bien ces visages dans sa mémoire et jura au fond d'elle même qu'elle les ferait tous pendre.

Mais chaque chose en son temps. Pour l'instant elle n'était pas en position de force. Le soleil commençait à décliner et un air frai venu du large s'installait dans le port où elle se trouvait. Elle ne pourrait pas trouver d'endroit sûr où dormir chez les habitants. Ils étaient tous aussi imbéciles les uns que les autres. La peur la gagnait. Elle avait souvent entendu parler des horreurs qui pouvaient se produire dans un port durant la nuit. Même les soldats du palais n'osait se promener dans la capitale une fois le soleil couché. Ici, ce devait être la même chose, voire pire.

Elle décida donc de monter à bord d'un navire. Ils avaient tous de fortes chances de partir pour Assécia, enfin elle l'espérait. Elle repéra un petit vaisseau marchand et se faufila jusque sur le pont. Presque tous les marins étaient absents. Ils avaient dû charger leur cargaison et attendaient la marée basse du lendemain ou de la nuit pour appareiller. Elle réussit à accéder aux cales et se faufila dans un recoin. Elle entendait les rats gratter le bois et des pas sur le pont. Désormais elle tremblait de tout son corps, autant de peur que de froid. Elle commençait vraiment à regretter la jungle et les Naakti. Elle aurait peut-être dû convaincre Ensun de la garder avec eux. Au moins elle aurait été plus en sécurité qu'ici. Elle ne se rendit pas compte qu'elle fermait de plus en plus les yeux d’épuisement.

Un cri la réveilla en sursaut. La nuit était passée et le bateau s’apprêtait à quitter le port. Tous les marins étaient à présent à bord. Par manque de chance, l'un d'eux la trouva juste avant le départ. Heureusement pour elle, le capitaine n'avait pas le temps de "s'occuper d'une troufiotte qui pue le rat" et avait demandé à ses hommes de la débarquer sur le quai. Elle se retrouvait donc à son point de départ : seule et perdue au beau milieu du port de Glenia.