Assise sur les berges de la rivière, Iris semblait appartenir à un autre monde. Suite aux évènements survenus à Glénia, elle avait rapidement quitté la ville pour un temps, dans l’espoir de se faire oublier des gaillards malpropres ayant croisé sa route. Les passants, commerçants égarés ou chiens affamés ne la voyaient même pas. Pauvre enfant ou bout de viande desséché ? Elle était une petite chose ignorante, sur laquelle il était inutile de s’arrêter. Harman le lui avait répété maintes fois, avant qu’elle ne l’assassine de ses propres mains. Elle avait toujours aspiré à la grandeur, mais sa situation ne lui avait jamais permis de dépasser le stade de la catin hargneuse et insoumise. Elle releva la tête et observa le paysage, les yeux hagards. Elle haïssait plus que tout cette vie.

Par le passé, il lui avait toujours été agréable de se balader dans un lieu démuni de toute présence humaine. Jelith, la rivière aux milles couleurs. Sur l’eau agitée par les courants du matin, dansaient les rayons du soleil. Elégant balais de candeur, petit oasis de douceur au milieu d’un désert d’ingratitude prononcée. Le silence religieux de ce lieu ne pouvait que lui apporter le réconfort et l’apaisement. Encore fallait-il qu’elle sache comment apprécier ce cadeau de la nature. Sa rancune envers Angelo et ses croyances s’amplifia alors qu’elle commençait à se demander pourquoi le Seigneur était capable d’offrir à l’Homme de si jolis paysages, sans pour autant lui permettre de vivre une vie plus descente. Le Destin. Le Créateur. Foutaises ! Jamais elle n’ira frapper à sa porte pour un bol de soupe ! Même au seuil de la mort !
C’était sûrement très séditieux comme pensée, mais dans le fond, elle était certaine de trouver sur sa route des personnes capables de partager son avis. Cependant, elle n’était pas prête à se dresser contre l’Eglise. Son nom n’évoque rien à personne et sa situation prête à rire. Jamais elle ne gagnerait le combat. Pas seule et avec du sang sur les mains tout du moins. Une idée lui vint alors à l’esprit, mais elle la chassa en secouant énergiquement la tête. Sa situation devait être vraiment désespérée pour qu’elle en vienne à s’imaginer de tels alliés dans cette quête de Justice. L’air devenant de plus en plus frais, elle reprit la route, longeant les berges instables de la rivière. Elle n’aurait recourt à ces personnes que si elle n’avait pas d’autres choix. Il lui fallait d’abord réfléchir aux autres possibilités qui s’offraient à elle. Malheureusement, elle faisait partie de ces personnes qui ne trouvaient jamais solution à un problème en seulement quelques instants.
Elle crut entendre son nom, pourtant elle continua sa route. Puis la voix se fit plus distincte, mais Iris était dans l’incapacité de reconnaître son propriétaire. Elle fut alors partagée entre l’envie de se retourner et celle de prendre ses jambes à son cou. Lorsqu’une main se posa sur son épaule, il était trop tard pour prendre une décision réfléchie. Elle hurla de terreur et s’agita comme si sa vie en dépendait. On lui saisit alors les poignets et une pluie d’injures tomba. Iris prenait de bien mauvaises habitudes ces temps-ci et personne n’était là pour le lui reprocher.

- Espèce de sale pervers ! Lâchez-moi ! J’vais vous arracher les tripes si vous m’toucher !
- Iris ! Iris chérie, c’est moi !

Elle se calma instantanément, le fixant comme s’il était un parfait inconnu. Pourtant elle savait très bien de qui il s’agissait. Mais malgré ce lien qui les unissait tous les deux depuis la naissance, Iris se montra hostile et dégagea sèchement ses poignets. Son oncle avait toujours été absent, ignorant et un parfait égoïste. Il n’hésitait pas à voler, piller et tuer lorsque cela lui chantait. Iris était même certaine qu’il volait le peu d’économie que ses parents étaient capables d’amasser. Bien malgré ça, il l’avait toujours protégé du danger. Alors aujourd’hui, venait-il en tant qu’oncle ou en tant qu’escroc ? Définitivement défaitiste, Iris pencha pour la deuxième solution. De toute manière, elle n’avait rien à lui donner. Elle se calma, croisa les bras et le fixa. Il lui rit au nez.

- Depuis quand tiens-tu de tels propos ? Tu es partie aussi bien éduquée qu’une fille de seigneur et je te retrouve vêtue de guenilles et aussi vulgaire qu’un souillard. Et cette odeur ! Te laves-tu au moins ?
- Vous ne m’avez pas arrêté dans l’unique but de critiquer mon odeur j'espère ?! Et n’exagérez pas au sujet de l’éducation, vous savez très bien que nous avons toujours été pauvres. Je suis loin d’avoir les manières d’une princesse.
- Tss ! Le monde est assez ennuyant comme cela, n’en rajoute pas une couche morveuse. Je te complimente et tu m’insultes !
- Je ne vois pas où sont les compliments. Comment vont mes parents ?
- N’es-tu pas au courant ? Pauvre enfant.

A l’annonce du meurtre de ses parents, Iris fit un effort surhumain pour ne pas tomber dans les pommes. Par la suite, son abruti d’oncle lui fit part de rumeurs : ses parents, qui jusqu’à maintenant n’avaient jamais eu de problèmes avec le Gouvernement, avaient refusé de divulguer quoi que ce soit à son sujet. Armés jusqu’aux dents, ils les avaient torturé jusqu’à la mort pour obtenir la moindre petite information utile. Ils étaient venus uniquement pour elle, Iris Golflitz. Pour retrouver l’assassin d’Harman, riche propriétaire d’Assecia, jusqu’à sa faillite financière.

- Tout est de ta faute, mais je pense qu’il est inutile de te le faire savoir.
- Et où étaient les autres pêcheurs qui se disaient leurs amis lorsque mes parents souffraient milles martyres ?
Et vous ? Vous qui rodez sans cesse comme un rapace autour de notre petite maison, où étiez-vous donc ? Dans les bras d’une catin ?
- Si tu n’étais ma nièce, j’aurais probablement été dans les tiens, lança-t-il avec sarcasme.

Iris lui cracha dessus, l’injuria et prit le chemin des plages.
Elle courait avec le mince espoir de tomber sur les personnes avec qui elle désirait s'entretenir. Cependant elle savait qu'elle avait peu de chance de les rencontrer. Le Seigneur et le Gouvernement allaient bien voir de quoi elle était capable ! Ce n'est pas à la porte d'Angelo qu'elle allait frapper, mais à celle de personnes somme toute semblables à elle !
Deux innocents étaient morts à cause de ces chiens de marins ! Alors ces chiens de marins allaient souffrir à leur tour, sans qu’elle ait à lever le petit doigt !